Dis, il est où le centre du monde ?

Photographie par beau temps du Fort Louvois, en Charente-Maritime.

Après la sortie de mon livre La Menace Blackstone et l’écriture des divers articles pour le site Web et en particulier celui sur les Intelligences Artificielles, il m’était devenu indispensable de souffler un peu.

Et pour souffler, quoi de mieux que de se laisser guider par le soleil sur la route des vacances.

Alors ce 4 juillet, levé de bonne heure, nous avons pris la direction de la Charente-Maritime, juste à côté de Royan. En faisant mes bagages, j’ai pris soin d’y mettre mon MacBook, et c’est rempli de bonnes résolutions que nous entamons le voyage.

— De bonnes résolutions ?
— Oui, c’est décidé, je vais passer du temps sur la suite de ‘La Menace’, dont le titre (provisoire) est ‘Le Mal du Pays’.
— T’es sûr ? me demande mon épouse, toujours suspicieuse de me voir essayer de faire en vacances ce que je ne n’arrive pas à faire à la maison en temps normal.
— Évidemment ! Non, mais c’est incroyable, ce manque de confiance, vous ne trouvez pas ?

Comme je me suis inscrit au concours des plumes francophones au mois de mai, j’ai passé du temps, trop sans doute, sur mon compte Amazon, à suivre l’évolution du classement de mon livre. Une journée après l’autre, passant d’un état d’euphorie à un état de catatonie, quand l’aiguille du baromètre des ventes, tristement orientée à la baisse, ne laissait entrevoir aucune amélioration. Les résultats quotidiens, se mettaient à l’unisson de la météo, alternant le chaud et le froid.

Avec un été en berne et des températures qui passent rarement la barre des 22°, nous décidons d’entamer une série de visites. Direction l’Hermione, pour notre pèlerinage annuel, à quai dans les radoubes de Rochefort, puis nous prenons le bateau direction l’île d’Aix, et visite du fort Louvois.

Un peu à court d’inspiration, nous décidons de visiter le site gallo-Romain de Fâ, à côté de Barzan, qui se révélera être une excellente décision. Je vous conseille vivement, si vous visitez la Charente-Maritime d’y faire un stop. La richesse archéologique de cette ville, qui comptait près de 8000 habitants au deuxième siècle, en fait une grande métropole riche en découvertes.

Le guide nous présente les  thermes, dont on peut admirer l’ingénieuse réalisation, simple et efficace, la piste de sport, et les baignoires à eaux chaudes. Mais le plus impressionnant est sans doute le sanctuaire, imposante construction circulaire à la gloire de Mars, posée au centre de la ville, dont le dôme culminait à 40 mètres de haut.

Outre les vestiges à découvrir dans le musée, des ateliers présentent la vie quotidienne des habitants de Fâ, et notre guide, jeune femme passionnée, a dit cette phrase qui me fera réfléchir pendant plusieurs jours.

— Ici, en Gaule, bien que vaincu par les Romains, on s’habillait à la mode romaine, on mangeait et vivait comme à Rome !
— Les Gaulois avaient donc renoncé à leurs racines et à leur culture ? demande quelqu’un, qui me grille sur le fil.
— Non bien entendu ! On mixait sans problème la culture locale avec celle des vainqueurs ! Mais Rome était le centre du monde et on s’attachait à y ressembler. Le centre du monde ! Je m’interroge sur la signification de cette phrase.

Dans un autre article consacré aux Intelligences Artificielles, j’ai tenté de faire un lien entre avancée technologique et structuration de la société. Mais une autre dimension que je n’ai pas traitée, est celle d’un lien causal entre la domination d’une civilisation et son avancée technologique.

L’Égypte et la Grèce, puis Rome, dont la domination était plutôt militaire, liée aux techniques de guerre extrêmement rodées et terriblement efficaces de l’empire, ont tour à tour régné sur le monde, pendant plus de 2000 ans. Si l’on reprend l’histoire des grandes civilisations, on s’aperçoit que leur pouvoir s’est d’abord installé par les armes, mais qu’elles se sont ensuite imposées à long terme grâce à une suprématie économique (comme la république de Gêne à partir du XI siècle).

Pourquoi ces civilisations ont-elles réussi à traverser le temps ? Qu’ont-elles en commun pour avoir réussi à devenir le centre du monde ?

Photographie du ciel, vue sur Marennes, Oléron.

Dans un passé récent, la France, au siècle des Lumières, à dominé l’espace d’un instant, le monde, supporté par son mouvement littéraire et philosophique dont les répercutions ont été majeures, poussant à dépasser l’obscurantisme et opposant la science à la superstition. La France de 1715 à 1789, devint le pays dominant, mais freiné par la révolution, laissa à l’Angleterre le rôle de pays phare.

De 1815 à 1919, l’Angleterre dirige le monde d’une main de fer. La ‘Pax Britannica’ permet au monde de vivre une longue période de paix. La livre est la première monnaie mondiale et la domination de l’Empire Britannique est autant idéologique que technologique. Le mode de vie anglais s’érige en modèle, le pays développe le chemin de fer, les navires à vapeur, et son système bancaire. L’immensité de l’empire permet la captation de richesses sous la forme de matières premières, envoyées à Londres pour être transformées, revendues ensuite dans le monde entier. La puissance économique de l’Empire britannique est incontestable.

Puis entre les deux guerres, vint le temps de la domination américaine. Puissance militaire et gendarme du monde, mais aussi première puissance économique. Plus importante sans doute est la domination totale et continue de l’Amérique en tant que puissante valeur idéologique. Le pays où tout est possible, dans lequel chacun a une chance de réussir, où la valeur travail est érigée en mode de vie, pays des libertés individuelles et espoir d’un monde meilleur. Enfin, un contrôle sans partage dans les médias, grâce à Hollywood.

Mais je m’interroge. Qu’ont en commun les empereurs romains et leur empire grégaire, et l’Amérique de ces 100 dernières années (1920-2020) ?

La domination des États-Unis est en perte de vitesse. C’est un fait. On peut s’en réjouir ou se lamenter, mais le déclin de l’hégémonie américaine sur la culture mondiale est en cours.

Les années Reagan avaient créé un appel d’air permettant à Washington de revenir en force, avec comme symbole d’une Amérique conquérante : Rambo, justicier malgré lui, puis Rocky, le paumé qui réussira grâce à son courage et sa détermination sans faille. Tous deux héros invincibles, comme l’Amérique à laquelle nous voulions encore croire, mais qui pansaient ses plaies encore ouvertes, des guerres du Vietnam et d’Afghanistan.

Mais le 11 septembre et les deux mandats de Bush Junior ont enterré ce regain d’optimisme. On y a cru encore une fois avec Obama, premier président noir d’une puissance économique de premier plan, homme providentiel, dans lequel le monde entier avait déposé ses espoirs. Hélas, laissant comme héritage après huit années, une explosion de violences raciales et un champ de ruine quant à la politique internationale des Etats-Unis, l’après Obama confirmait que le shérif du monde avait rendu son étoile.

Alors l’Amérique s’est mise à douter d’elle même. Les habitants des villes moyennes du Middle West sans travail, lassés et malmenés par la mondialisation, ont élu un président qui n’incarne plus cette Amérique conquérante et ouverte.

Mais qu’est-ce qui a changé ?

Pour qu’un pays, une puissance ou une civilisation puisse incarner le rôle de ‘centre du monde’ elle doit cumuler certains atouts. Être invincible, et pour cela maîtriser la force brute, mais elle doit aussi être la puissance économique dominante.

Si l’on n’observait que ces deux dimensions, d’autres prétendants pourraient revendiquer cette place si convoitée.

Il reste cependant une notion essentielle pour espérer briller et éclairer le monde. Il faut incarner un espoir et exprimer des valeurs universelles, que le monde ait les yeux tournés vers vous, que la force que vous incarnez ne soit pas seulement militaire ou économique, mais que votre mode de vie devienne la référence incontestée.

Comme en Gaule, où l’on s’habillait à la mode romaine, on mangeait et vivait comme à Rome. Comme lorsque les Anglais érigeaient leur mode de vie en modèle.

Le rêve américain ! L’espoir entretenu pendant un demi-siècle d’un monde meilleur, d’un ordre mondial basé sur des valeurs universelles, ce rêve américain est mort, enterré sous les décombres des Twin Towers et des corps sans vie des jeunes adolescents noirs, tués par la Police à Fergusson et à Charlotte.

Le monde est donc orphelin.

Si l’on accepte le fait que cette Amérique des Cadillac et des westerns, des héros en noir et blanc et des premiers hommes sur la lune, est en perte de vitesse, alors, je vous le demande, il est où le centre du monde ?

La Chine est devenue la première puissance mondiale, mais elle n’engendre aucune attirance pour son mode de vie. Elle n’incarne pas les valeurs universelles qui lui permettraient de relever le défi et de remplir le vide laissé par les États-Unis. En fait, si vous vous grattez la tête, et que, comme moi, vous faites mentalement l’effort de passer en revue les options qui s’offrent à vous, la conclusion est sans appel.

Aucun pays ne peut raisonnablement reprendre le rôle laissé vacant par les États-Unis !

Photographie de Fort Boyard, Charente-Maritime.

Les récentes évolutions politiques (Brexit, élection de Trump, recrudescence des attentats) et les comportements des citoyens, comme par exemple le recul de l’idée Européenne, l’isolationnisme économique et les barrières douanières, montrent les tentations de replis des peuples sur eux même.

Quand il n’y a plus de modèle on s’enferme, dans un espoir vain de se protéger contre le vide.

Que conclure ? On pourrait se dire qu’il est trop tard. Que comme Malraux, ‘le XXI siècle sera spirituel ou ne sera pas’ ! Et décider qu’il ne sera pas …

Ou alors…

Grâce à l’Internet et aux réseaux sociaux, nous nous sommes affranchis du temps et de l’espace. On ne compte plus la distance qui nous sépare des autres cultures en jours de bateaux, ni même en heures d’avion. On compte à peine les millisecondes entre le moment où une information est envoyée dans les réseaux et celui où elle devient disponible pour des milliards de gens. Despacido, le tube l’été en est à trois milliards de vues en deux mois !

Le centre du monde, le pays phare dont la culture rayonnait sur une planète qui se cherchait un maître à penser, n’existe plus. Mais les frontières ont elles aussi disparu, emportées par les torrents d’informations qui se déversent à la vitesse de la lumière dans les réseaux. Internet a remplacé le phare d’Alexandrie, laissant l’Information éclairer le monde.

Je crois qu’une nouvelle humanité va émerger, qui va mettre l’Homme au centre de tout, une humanité qui se sera affranchie des frontières. Une révolution est en marche, invisible et puissante, une ère nouvelle dans laquelle les citoyens du monde seront le centre. Bien sûr, une telle transformation ne va pas sans heurts ni sans soubresauts. Pour combler le vide, avant que ne prenne place cette nouvelle humanité, certains vont se tourner vers des repères éphémères, comme on s’accroche à des bouées, pour ne pas sombrer. Le fondamentalisme en est un, comme tous les communautarismes d’ailleurs.

Des tentatives désespérées pour remplir le vide.

Oui, la technologie est sans aucun doute le lien causal entre la domination d’une culture et son avancée technologique. Sauf que cette fois, partagée par tous et grâce à sa généralisation, elle permettra d’agréger les cultures, de les magnifier, et non de les opposer.

La vague qui arrive, portée par le numérique, Internet et les nouvelles technologies, saura mixer les différentes cultures, les courants de pensée, comme la Rome antique laissait aux vaincus la possibilité de conserver une partie de leur héritage. Le futur sera ouvert, laissant les idées passer d’un continent à l’autre et s’enrichir.

Aujourd’hui, alors que j’écris les dernières lignes de cet article, Barcelone panse ses plaies. J’espère que grâce à la technologie, aux réseaux, à la liberté de communiquer, comme l’avaient pensé les philosophes du Siècle des Lumières, nous saurons repousser et dépasser l’obscurantisme, opposer la science à la superstition, la raison à la folie. Nous sommes dans le doute. Le vide est abyssal entre la civilisation de progrès qui s’ouvre à nous et les dérives sectaires que nous observons.

Il est urgent de mettre l’Homme au centre du monde. Voilà le futur que je vous propose de construire ensemble.

Sylvain Pavlowski
Auteur de La Menace Blackstone

 

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